Depuis près de 10 ans, on évoque de plus en plus le « crowdfunding » lorsque l’on réfléchit à une solution de sponsoring. Cette notion anglaise, que l’on traduit généralement par le terme de financement participatif, consiste à faire appel à la participation financière du plus grand nombre de personnes possible dans le but de contribuer à la réalisation d’un projet à fort potentiel. Cet investissement de particuliers et d’entreprises engage des contreparties de la part du porteur de projet lorsque celui-ci aboutit. Le financement participatif est en plein essor, notamment grâce à l’avènement d’Internet.
L’inspiration qui a poussé le sport à y avoir recours
My Major Company, la plateforme de crowdfunding spécialisée dans les projets artistiques, s’est distinguée par son label de musique performant. Lorsqu’en 2008, le chanteur Grégoire a récolté en 2 mois les 70000 euros nécessaires à la concrétisation de son premier album et que cet investissement s’est avéré payant avec le succès rencontré par le tube « Toi + Moi », la société cofondée par le fils de Jean-Jacques GOLDMAN est apparue comme le leader du financement participatif culturel en France.
Le sport a été séduit par le retour sur investissement proposé aux « crowdfunders ». En effet, les internautes ayant participé à l’aboutissement d’un projet se partagent un pourcentage des recettes nettes dégagées par les ventes physiques et numériques du projet.
Le RC Lens : un échec par manque de légitimité
En 2012, le club de football des Sang et Or a lancé l’opération MonRCLens.com. En collaboration avec My Major Company, cette opération fut la première expérience dans le domaine du football français en matière de financement participatif. Le club invitait ses fans à voter pour les messages qu’ils auraient souhaité voir apparaître sur le maillot des joueurs. Le projet, pour qu’il soit abouti, nécessitait l’apport de 250 000 euros de la part des contributeurs. Les contreparties proposées par le club étaient alléchantes pour les fans les plus généreux : poser avec les joueurs sur la photo officielle du club, donner le coup d’envoi d’un match, partager une journée d’entraînement avec les joueurs et le staff, immersion au sein de l’équipe le jour d’un match… Pourtant, le succès n’a pas été au rendez-vous. Seulement un peu plus de 5000 euros ont été rassemblés deux mois après le lancement. On peut expliquer cet échec par le caractère inapproprié du projet sur une plateforme de crowdfunding culturel où les contributeurs méconnaissent les spécificités du sport.
L’arrivée de plateformes spécialisées dans le sport
Le sport s’est emparé de cette pratique depuis quelques années. Sponsorise.me apparaît comme la plateforme phare du phénomène sportif. Le site majeur de financement participatif sportif en France offre la possibilité à des particuliers ou des entreprises de miser de 5 à 50 000 euros sur des projets de toutes tailles, qu’ils concernent le sport amateur ou professionnel. La publication de projet (d’une durée de 90 jours en moyenne) est ouverte à tous et gratuite, sous réserve de validation par un comité de sélection. Si le montant espéré à la présentation du projet est atteint, Sponsorise.me se rémunère par une commission allant de 10 à 20%. Les contreparties alors proposées aux contributeurs se présentent sous forme de don ou de faveur.
« Ces projets transversaux sont une alternative efficace et crédible au sponsoring descendant, explique dans Le Figaro en mars 2013 Loïc YVIQUEL, le cofondateur du site Sponsorise.me. Avec le web et les réseaux sociaux, il est plus facile de réunir 1000 fois 10 euros que 1 fois 10 000 euros. Notre vocation est de nous ouvrir non seulement aux sportifs mais aussi aux clubs, fédérations, associations… petits comme gros. »
Les projets stars de Sponsorise.me
En mars 2013, « Tous derrière l’OM » a permis aux PME de s’offrir le statut d’entreprise supportrice de l’Olympique de Marseille pour un montant allant de 90 à 50 000 euros. La plus originale sur les réseaux sociaux a eu le privilège d’avoir son nom apposé au dos du short des joueurs lors d’un match. Cette opération a été mise en place pour montrer que les entreprises qui supportent le club de football phocéen peuvent se mobiliser. De plus, cela a complété les revenus sponsoring classiques du club. Le projet a été financé à hauteur de 111% du budget attendu.
En 2014, « L’avenue des légendes » a permis au club de rugby du Racing Club de Toulon de rénover un lieu chargé d’histoire. Le but de l’opération était d’offrir la possibilité d’inscrire son nom sur un pavé aux côtés des légendes du RCT tout en contribuant au développement du centre de formation du club de rugby toulonnais. Le projet a été financé à hauteur de 106% du budget attendu.
En mai 2014, « Ladji DOUCOURE : Retour au premier plan » a permis à l’athlète français, champion du monde du 110m haies en 2005, de récolter plus de 8 000 euros (la somme espérée) en seulement 24h ! Ceci dans le but de subvenir entre autres à ses frais d’entraînement, où son objectif est de se qualifier pour les JO 2016. Le projet a été financé à hauteur de 174% du budget attendu.
Un exemple de ses contreparties : “pour 250 € ou plus, passez une journée avec moi à l’entraînement et mangeons un morceau ensemble ! Je vous donnerai l’occasion de me défier sur piste à Paris ! Je cours un 60m haies, et vous un 60m à côté. Vous pensez pouvoir me battre ? Dès 30 euros de dons, recevez un bon d’achat Intersport de 30 euros.”
Les clés du succès d’un projet de crowdfunding
Un projet de financement participatif, s’il veut aboutir, se doit d’être enthousiasmant, précis et transparent sur le plan de la gestion financière (utilisation de l’argent récolté). L’engagement d’un groupe d’athlètes bien défini, qui plus est rarement sur le devant de l’affiche (jeunes, féminines…) et une présence accrue sur les réseaux sociaux sont indispensables afin de mobiliser une communauté. Le choix de la plateforme est primordial dans le but de développer une proximité entre porteurs de projet et financeurs potentiels. C’est une affaire de famille.
Une offre de financement participatif qui se diversifie
Le crowdfunding sportif se veut davantage professionnel et répond donc de plus en plus précisément à la fois aux attentes des porteurs de projets et également à celles des contributeurs. C’est pourquoi l’apparition de plateformes de financement participatif spécialisées dans le sport est en nette augmentation. On peut citer parmi les plus récentes We Play Sport. Cette société, dédiée au monde du sport et du handisport, se démarque de la concurrence en offrant aux porteurs de projets la possibilité de conserver une partie des sommes récoltées même si l’objectif final n’est pas atteint à 100%.
WePlaySport.fr – La solidarité est un sport collectif
Une pratique en croissance mais freinée par des limites notamment législatives
Même s’il incarne une solution intéressante pour faire fructifier une popularité importante et que de nouveaux liens avec les fans sont noués à travers des projets rêvés devenus réalité, le sponsoring participatif ne constitue pas encore une source stable de revenus pour les structures sportives. Les sites de crowdfunding surfent sur le levier du sentiment d’investissement pour son club ou son sportif favori. Cependant, s’appuyer sur une communauté empathique de supporters n’est pas toujours suffisant. Le fan de sport ne semble pas aussi familier du paiement par internet que l’on imagine. Le public cible des projets de crowfunding, ayant les moyens d’en aider certains, et a souvent besoin d’être accompagné pour passer à l’acte de financement.
Depuis la fin de l’été 2013, un projet de loi sur le crowdfunding est en cours. Celui-ci vise à limiter le financement participatif. En effet, un internaute ne pourra plus attribuer de somme supérieure à 250 euros. Et le seuil maximal de récolte de fonds sera plafonné à 300 000 euros. Un coup dur pour les grands projets voulant soulever de nombreux fonds. Dans le monde du sport et plus particulièrement dans celui des clubs de football professionnel, ce projet est un frein au financement participatif des fans qui ne pourront miser que des sommes faibles sur des projets modestes. Les clubs peineront à tirer des bénéfices nets grâce à cette pratique. Imaginons 300 000 euros sur les 400 000 000 euros de budget du Paris-Saint-Germain… Le bénéfice financier d’un projet de crowdfunding via Sponsorise.me semble illusoire, ceci représente seulement 0,075 % du budget du club !
Le but de cette monétisation est alors plutôt symbolique. Elle permet d’être proche du public, proche du fan et d’améliorer un capital symbolique, sans augmenter nettement un capital financier, qui représente des sommes extrêmement faibles par rapport aux capacités financières de ces véritables entreprises du spectacle sportif.