Pour ce rendez-vous du mois, la rédaction a interrogé Bruno Martini, manager du PSG Handball actuellement 1er du championnat de France.
Je suis Bruno Martini, je suis manager général du Paris-Saint-Germain handball où je travaille sur la gestion de l’activité handball au sein du PSG. Je suis également un ancien sportif de haut niveau, j’ai été professionnel pendant 19 saisons jusqu’en 2007 en France et à l’étranger.
- Comment êtes-vous passez de sportif de haut niveau à manager général du PSG Handball ?
Je voulais rester dans le milieu sportif, c’était pour moi le plus naturel pour une reconversion. Je ne voulais pas être entraîneur, n’ayant jamais eu réellement la fibre pour l’être, je n’ai d’ailleurs passé aucun des diplômes (même pas le BAFA c’est pour dire). Je souhaitais un poste qui soit un peu plus transversal et j’ai eu la possibilité de faire une formation pour devenir manager général d’un club professionnel au centre de droit et d’économie de Limoges ce qui correspondait exactement à ce que je désirais devenir.
- Pourquoi avez-vous choisi d’occuper ce poste au PSG ?
Avant le PSG, il y avait un club qui s’appelait le Paris Handball et qui évoluait en D2, il appartenait au groupe Nicollin. Ce groupe était à l’époque vendeur du club ; j’ai donc organisé le rachat du club auprès du groupe « Paris Handball Développement » avec des investisseurs (si on peut dire investisseurs car à l’époque la somme a récoltée était faible). Le deal était simple : si j’organisai la reprise du club je devenais manager général du club. C’est donc ainsi que fût créé mon poste que j’ai occupé du 1er mars 2010 au 3 juin 2012. Paris Handball a ensuite été acheté par QSI le 3 juin 2012, et j’ai eu la chance de rester dans la barque et de devenir manager général non plus du Paris Handball mais du PSG Handball.
- Comment avez-vous perçu l’arrivée du Qatar au sein de Paris, vous qui avez connu les deux dimensions entre Paris Handball et le PSG Handball ?
C’était une opportunité extraordinaire. On était dans une phase, il y a de cela 4 ans, où le sport parisien, collectif et professionnel était en souffrance. Le football avait été repris un an avant et heureusement car ça ne fonctionnait pas, le Stade Français en rugby allait de projet de reprise en projet de reprise mais c’était très compliqué et il a été sauvé par Monsieur Savard. Quant à nous, nous avions de grandes difficultés à exister et à bloquer un budget consistant. Ainsi, l’arrivée du Qatar pour nous a été providentielle, non seulement pour le handball à Paris et le handball professionnel, mais également pour le handball en général.
- Est-ce que votre carrière de sportif de haut niveau vous aide dans la gestion d’un des plus gros clubs européens ?
Oui et non. Oui, car les gens me connaissaient et je n’ai donc pas eu à « m’approprier » le milieu ce qui m’a fait gagner du temps. Non parce que les choses que l’ont met en place sont pour la plupart totalement différentes de ce que l’on vit sur un terrain. Une chose est très importante : il faut changer son image, passer de l’image de joueur professionnel à celle de manager général et dans l’esprit de certaines personnes ce n’est pas toujours évidant.
- Quels sont les objectifs du PSG cette saison ?
Cette année on peut gagner la Ligue des Champions, on a le potentiel pour être champion, mais il faut que les planètes soient bien alignées pour ça. Nous n’avons pas beaucoup de marge de manœuvre par rapport aux équipes qui sont des habituées du final four. On se dit que sur le terrain, le PSG a les meilleurs joueurs du monde et qu’ils vont gagner mais ce n’est pas si simple. Il ne suffit pas de faire signer des grands joueurs, il faut qu’une alchimie se crée, ce qui prend du temps et qu’on ne voit pas forcément de l’extérieur. Ce qui est sur c’est qu’on est crédible pour accéder au final four et au vu de la formule du final four la porte reste ouverte et les 4 participants partent en général à égalité. Hormis Barcelone l’an dernier, les équipes qui ont gagné les deux années précédentes n’étaient pas forcément des équipes que l’on attendait mais plutôt des outsiders. Une fois arrivé à ce stade, les 4 équipes ont 25% de chance de gagner.
A ce stade de la saison, nous avons fini la première partie des matchs de poule de la Ligue des Champions, où l’on a fait 10 matchs et où l’on est 1er ex-aequo du groupe avec Flensburg avec un point d’avance sur Veszprém. On reprend les matchs de poule en février avec un déplacement à Zagreb puis on reçoit Besiktas.
La première place du groupe est très intéressante car elle nous permet de nous qualifier directement pour les quarts de finale et de ne pas faire les 8ème. Étant donné qu’on est trois équipes à se tenir à 1 point il peut se passer encore beaucoup de choses pour cette 2ème phase de matchs de poule.
- Pouvez-vous nous dresser un bilan de cette première partie de saison ?
Je suis assez satisfait de cette première partie de saison. En effet, on a vu une montée en puissance depuis le mois de septembre qui est très intéressante avec des grands matchs notamment celui contre Veszprém ainsi que les deux matchs contre Kiel. On voit une progression de l’équipe très rapide. On s’attend à ce qu’elle soit tout aussi importante sur la 2ème partie de saison.
On a aujourd’hui 4 points d’avance sur le 2ème du championnat de France avec un match en moins à domicile donc potentiellement 6 points. C’est un petit matelas qui est intéressant. Ce qui est important surtout et que je retiens pour cette première partie de saison, c’est la progression car on sent que l’équipe avance et qu’elle fait des progrès beaucoup plus rapides que les années précédentes ce qui nous rend optimiste pour la suite. Il est à noter que d’ici la fin de saison on va peut-être jouer 55 matchs toutes compétitions confondues avec quelque chose de totalement fou qui risque de nous arriver à savoir qu’entre le 1er mars et le 1er avril, ils joueront 11 matchs en 30 jours avec la possibilité des 8ème de finale de la ligue des champions aller-retour, des matchs de coupe de France contre Dunkerque, St Raphaël, et bien d’autres. Une grosse deuxième partie de saison nous attend !
- Comment gérez-vous le fait de jouer tous les 3 jours entre le championnat de France et la Ligue des Champions ?
On gère ça avec un staff médical le plus étoffé possible et le plus réactif possible qui travaille en très bonne intelligence notamment avec le coach qui a une excellente expérience dans ce domaine là et qui est en capacité de laisser du temps au kiné et au docteur pour bien remettre sur pied un joueur. Le dernier exemple c’est Xavier Barachet qui s’est arrêté 1 mois après une entorse contracté lors de la Golden League où il a été sur-utilisé par l’équipe de France (3 matchs en 4 jours). On a pris le temps de le soigner (1 mois d’absence) afin qu’il soit hyper opérationnel à son retour.
On essai de mettre les joueurs dans les meilleurs conditions possibles, par exemple certains déplacements se font en en avion privé notamment pour des matchs de ligue des champions, ce que font également d’autres clubs comme Barcelone, Kiel et Veszprém. Ceci permet de réduire les temps de déplacement et d’augmenter au maximum les temps de repos. Par ailleurs les joueurs sont des joueurs très professionnels, ils savent gérer ce genre de situation grâce à leur expérience. Ainsi, ils travaillent plus sur la prévention des blessures et sur la récupération.
Des deux côtés c’est un effort constant qui sera primordial en fin de saison. Ce sera encore plus important pour la saison prochaine car les joueurs vont enchaîner quasiment 2 saisons entières. En effet, la préparation pour les Jeux Olympiques débute en juin puis ils n’auront que quelques jours de repos au retour des Jeux de Rio avant de reprendre l’entrainement pour la préparation de la saison 2016/2017. Ils n’auront donc pas eu un mois pour se régénérer avant.
- Au sein du PSG vous avez beaucoup de joueurs internationaux qui vont partir pour l’Euro 2016 en Pologne, comment le reste de l’équipe s’entraîne durant cette période ?
Pour les joueurs qui ne sont pas internationaux, ils vont avoir des plages de repos assez importantes et ensuite on va les mettre dans les mains expertes du préparateur physique qui va les « retaper » et leur donner toutes les armes pour préparer la 2ème partie de saison. Pour les entrainements handball, ils vont être mêlés à l’équipe réserve, donc le centre de formation, pour garder un minimum de rythme sur l’activité. Ce n’est pas idéal mais dans les autres gros clubs européens c’est la même chose, ils sont confrontés au même genre de situation et nous on le gère comme ça. Ça fait deux groupes distincts, ceux qui disputent les compétitions internationales et ceux qui n’y vont pas. Il faut, pour ce 2ème groupe rester vigilant afin que les joueurs travaillent bien de leur côté pour être au même niveau que ceux qui rentrent et être en forme au mois de février.
- Quelle relation le PSG hand entretien avec le PSG foot (en terme de marketing, de sponsoring, etc…) ?
L’organisation du PSG Handball, au delà de l’aspect sportif, est composée de seulement 3 salariés administratifs, il y a donc 2 administratives et moi-même. Les autres salariés sont ceux du Paris-Saint-Germain qui sont à la fois sur des missions foot et hand. Il y a une quinzaine de services différents au PSG (billetterie, marketing, sponsoring, etc…) et à chaque fois on a un interlocuteur au sein de ces services ce qui fait que l’intégration du handball est totale dans la structure Paris Saint Germain.
Effectivement au niveau sponsoring on a des sponsors communs comme Citroën et PMU pour ne citer qu’eux, ainsi que QNB et Oredoo bien sûr, mais on a aussi des activations marketing en cohérence avec ce que fait le PSG football. On parle parfois d’une seule voix avec par exemple le maillot « Je suis Paris », le maillot avec lequel l’équipe masculine et féminine de football ont joué ainsi que nous. On essaie d’intégrer au mieux la structure handball dans les services du foot même si on a nos propres spécificités.
- Quel est l’objectif à moyen et long terme du PSG ?
Continuer d’avoir un niveau de performance élevé et former des joueurs. Bien sûr, gagner des titres c’est évidant, mais aussi être intégré dans l’environnement Paris-Saint-Germain de façon totale, c’est ce qui est en train de se faire. J’entends par là que les supporters du PSG savent pour une grande partie d’entre eux qu’il y a du handball et que le Paris-Saint-Germain ce n’est pas que du foot masculin. L’objectif est donc de faire partie de cet environnement là et d’être un élément, à notre niveau, pour développer la marque Paris-Saint-Germain.
En ce qui concerne la formation des joueurs, nous avons un centre de formation qui existe depuis une dizaine d’années. Il a sorti plusieurs joueurs internationaux comme les frères Nyokas ou encore Cédric Sorindo qui a fini sa formation au PSG. Aujourd’hui, nous avons Benoit Kounkoud qui est au centre de formation et qui vient de signer un contrat professionnel au sein de l’équipe du PSG. Le but du jeu c’est de continuer à former des joueurs et de devenir un centre de formation de référence en France.
- Pensez-vous que le PSG puisse intégrer une équipe féminine de haut niveau ?
Il en est du ressort de l’actionnaire car c’est lui qui investira, mais en effet, il y a une certaine cohérence à étoffer les secteurs d’activités et si on doit faire entrer les structures, il y aurait tout à fait une logique à ce qu’il y ait une équipe de handball féminin comme il y a au foot avec une équipe féminine. Ça serait tout à fait logique avant d’investir dans d’autres sports.
Maintenant, se pose la question de l’intégration réelle du handball, du staff qu’il faudra mettre autour, et puis, pour les pouvoirs publics, de se poser la question de la salle parce qu’on ne peut pas grandir en restant sur des structures telles qu’on les connaît. Quand on voit la qualité des salles que ce soit à Kiel, à Veszprém, à Celje en Slovénie, à Istanbul et qu’on voit les salles que l’on utilise à Paris, je pense qu’il est temps de rattraper le retard. Les problématiques d’équipements sont des freins à un vrai développement des infrastructures sportives à Paris. Par exemple, l’actionnaire a pris en charge la réfection du Parc des Princes et sans ces travaux, il n’y aurait pas eu l’Euro au Parc des Princes donc dans Paris même. Ça montre qu’il y a un impact, mais qu’il y a aussi un vrai delta entre l’état actuel des infrastructures et les exigences du sport professionnel moderne.
- Pour finir, comme à notre habitude, quel est le rendez-vous sportif qui vous a le plus marqué ?
La coupe du monde de 1978 car j’avais 8 ans et c’est le premier événement que je vivais en me rendant compte que je le vivais, c’était la ferveur en Argentine autour de la coupe du monde. J’étais un peu déçu car je voulais que ce soit la Hollande qui gagne mais c’est l’Argentine qui a gagné.
Quant au premier geste qui m’a marqué, c’est pendant les Jeux de Moscou en 1980, un perchiste polonais, champion du monde, a un dernier essai et doit le réussir sinon c’est un soviétique qui sera champion olympique. Il se fait siffler par tout le stade, il saute, il passe, il se relève et il fait un bras d’honneur à tout le monde. Ce n’est pas très olympique mais c’était un sacré geste.
Pour finir, dans ma carrière de sportif international, c’est le mondial de 2001 en France. Gagner chez soi de la manière dont on a gagné avec une équipe qui n’était pas favorite, au terme d’un match d’une telle intensité puisqu’on a gagné après prolongations. C’est une émotion tellement forte, que c’est le souvenir qui me reste le plus.
Un grand merci à Bruno Martini pour sa disponibilité et son partage d’expérience. Vous pourrez retrouver le PSG Handball le 20 février lors d’une rencontre qui les opposeras à Besiktas, match comptant pour la Ligue des Champions.