Le 1er colloque du Comité Ethique & Sport s’est tenu mardi 10 novembre à la Sorbonne. Le thème de débat était le suivant : « Sports et sponsors : vers une nouvelle relation ? ». Trois temps ont rythmé la matinée.
Sommaire
Une contextualisation détaillée
Philipp Müller-Wirth, responsable exécutif pour le sport à l’UNESCO, a ouvert le colloque par une introduction riche en histoire du sport, en démontrant que l’UNESCO n’intervient pas seulement en matière de patrimoine mondial. Le sport fait bien évidemment partie de leurs domaines d’intervention. L’organisation promeut ainsi la paix, l’intégration sociale et le développement économique à travers la pratique du sport.
Laetitia Olivier, directrice de la communication et développement durable de la Française des Jeux, a rappelé que la FDJ, au-delà de son cœur de métier en tant qu’opérateur de paris sportifs, est un des premiers partenaires du sport français. Cela se traduit par une alimentation du Centre National pour le Développement du Sport, à près de 80%, issue des taxations opérées sur les mises de la FDJ. Le groupe se veut également sponsor (propriétaire d’une équipe cycliste professionnelle) et mécène. Laetitia Olivier nous a expliqué que la FDJ intégrait des volets responsables et sociétaux, en plus des volets marketing, dans ses contrats avec les fédérations.
Puis Véronique Lebar, à l’origine de la création du Comité Ethique & Sport il y a moins de trois ans, nous a présenté les caractéristiques de son association indépendante. L’objectif est clair : respecter l’humain dans un cadre de performance. Les 65 membres, répartis en étudiants passionnés de sport (50%) et professionnels de tous horizons (50%), parlent éthique mais cherchent surtout à agir éthique !
Les résultats de 2 ans d’étude
Christian Kalb et Maryline Ottmann, deux membres du Comité Ethique & Sport, nous ont proposé une synthèse des conclusions de l’étude menée par le groupe de travail « sponsoring responsable ». Le but final de cette étude est de prévenir des risques pouvant toucher les sponsors et sponsorisés. C’est pourquoi 4 recommandations prioritaires ont été émises :
1/ Redéfinir le contrat moral entre le sponsor et le sponsorisé.
2/ Faire en sorte que le sport utilise un pourcentage du budget sponsoring pour protéger son intégrité.
3/ Obliger les sponsors à prendre en considération des préoccupations éthiques.
4/ Définir un code du sport responsable.
Pour lire l’ensemble des résultats de l’étude, c’est ici.
Pascal Gentil, double médaillé olympique de taekwondo, a fait de son expérience en matière de régulation favorisant l’intégrité du sport. Les règles de son sport ont évolué pour éviter toute injustice et enlever un poids aux arbitres. On parle ici de la digitalisation du taekwondo avec l’intégration de capteurs dans le plastron afin de détecter les touches. Mais ce changement n’aboutit-il pas à une dénaturation du sport ?
Ce qui est à retenir, c’est que la France n’a pas le monopole de l’éthique et que les débats visés doivent exister à l’international.
La parole aux acteurs invités
Une dernière partie a laissé place à la discussion, à l’occasion d’une table ronde animée pendant un peu moins de deux heures par un journaliste reconnu en économie du sport, Bruno Fraioli. Des intervenants issus d’institutions impliquées dans le sponsoring responsable se sont exprimés.
Marie-Christine Lanne, directrice de la communication et des engagements sociétaux de Generali, a bien sûr évoqué les Trophées du sport responsable, récompensant les bonnes pratiques des clubs. De plus, une charte du sport responsable créée en 2010, visant à encourager le monde du sport à agir de façon exemplaire, a déjà été signée par plus de 10 fédérations françaises. Madame Lanne regrette le manque de médiatisation des bonnes pratiques, aujourd’hui masquées par le sport spectacle.
Amel Bouzoura, responsable marque et digital corporate de la FDJ, lutte pour minimiser les dérives des entités sponsorisées. Pionnière en matière d’engagement sociétal grâce à son initiative de signer la Charte des Sponsors en 1998 pour lutter contre le dopage, la FDJ promeut l’égalité des chances.
Jérémy Botton, directeur général adjoint de la Fédération Française de Tennis, estime qu’il est légitime d’impliquer les sponsors dans les décisions stratégiques de la FFT, notamment quand on parle de rénover le stade de Roland-Garros.
Magali Tézenas du Montcel, déléguée générale de Sporsora, rappelle que le sponsoring est bien perçu par le grand public, d’après une étude Kantar Sport datant de 2013. Il faut par ailleurs retenir qu’un sponsor impliqué est un sponsor fidèle.
Gilles Dumas, président de Sportlab, invite à une prise de conscience plus importante des enjeux du sport responsable. Quand on observe que les droits médias rapportent souvent davantage que beaucoup de droits marketing, on en conclut que les médias, indispensables au sport spectacle, ont un rôle prépondérant dans la prise en compte de l’éthique sportive. Il serait alors préférable de débourser moins d’argent dans le ticket d’entrée d’un partenariat afin d’en garder pour davantage faire-savoir, faire parler des programmes que l’on soutien. Le sponsoring commercial n’est donc pas incompatible au sponsoring citoyen, dès lors que l’on donne du sens dans la valorisation de la marque.
Bernard Diomède, sélectionneur de l’équipe de France U17 de football mais également fondateur d’une académie, cherche à former l’adulte de demain et favoriser la mixité sociale. Le savoir-faire a des bienfaits mais il ne faut pas oublier le savoir-être et savoir-vivre. L’éducation par le sport n’est pas fonction du sport en lui-même, encore moins de l’argent présent dans ce sport.
André Jaffory, directeur du département sport marketing d’adidas, nous a appris que la question de l’intégrité sportive était omniprésente au sein de l’équipementier ; tous les collaborateurs suivent une fois par an une formation à l’outil « fair-play ».
Laurent Vidal, directeur de la Chaire Sorbonne-ICSS sur l’éthique et l’intégrité du sport, a résumé les propos avancés en remarquant que tout le monde trouvait ses intérêts en matière de sponsoring responsable. Travaillons donc ensemble !